entete brief PSAE Brief n°4
Edito Ce PSAE Brief présente un modèle d’investissement en recherche et développement (R&D) dans le domaine alimentaire, en prenant en considération les nouvelles techniques génomiques (NTG) et les méthodes d’hybridation traditionnelles. Le modèle intègre une innovation alimentaire incertaine et coûteuse, ainsi que les consentements à payer (CAP) des consommateurs pour un nouvel aliment. Ce cadre conceptuel est appliqué au cas de nouvelles pommes se conservant plus longtemps et brunissant moins vite. L’exemple des Etats-Unis et de la France est retenu. Il est montré que les NTG peuvent être socialement bénéfiques dans un contexte d’information complète, et lorsque la probabilité de succès d’une innovation basée sur ces NTG est relativement élevée. Dans le cas contraire, l’hybridation traditionnelle est socialement optimale. Une menace importante de maladie sur la production des pommes conventionnelles augmente la désirabilité sociale de nouvelles pommes générées par les NTG ou l’hybridation traditionnelle.
Les nouvelles techniques génomiques en alimentation, l’acceptabilité des consommateurs et les choix de R&D

Les nouvelles techniques génomiques en alimentation, l’acceptabilité des consommateurs et les choix de R&D

John C. Beghin, Anne-Célia Disdier, Stéphan Marette

 

Sommaire

  • Introduction
  • Les préférences des consommateurs
  • Quelles conséquences pour la R&D visant à obtenir de nouveaux aliments ?
  • En introduisant un risque de disparition du produit originel ?
  • Conclusion

 

Introduction

 

Les nouvelles techniques génomiques (NTG)1 , permettant une amélioration des plantes, ont le potentiel de relever certains défis futurs liés à la sécurité alimentaire, à l’agroécologie et au réchauffement clima-tique (OCDE, 2018). Elles peuvent améliorer considérablement la qualité et la durabilité des aliments, des dimensions importantes en vue de réduire le gâchis alimentaire. Ces nouvelles techniques sont plus pré-cises et « moins intrusives » que celles conduisant aux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), car elles ne recourent pas à l’introduction de gènes extérieures à la plante. La réglementation des innovations basées sur les NTG est une question sensible, débattue dans de nombreux pays à travers le monde. Cette question de la réglementation dépend de l’acceptabilité des consommateurs pour les aliments conçus avec ces nouvelles techniques.

La présente note montre que cette acceptabilité conditionne également les efforts en R&D (recherche et développement) autour de nouvelles variétés d’aliments pour un pays donné, car les consentements à payer (CAP) sont spécifiques à chaque pays. Nos travaux récents s’intéressent à cette question de l’acceptabilité de ces nouvelles technologies par les consommateurs et à leurs conséquences sur les possibilités d’émergence d’innovations variétales. Les travaux qui ont été réalisés se sont focalisés sur la détermination de CAP pour des pommes obtenues par hybridation conventionnelle et des pommes conçues à partir de NTG. Ces CAP sont ensuite introduits dans des modèles microéconomiques d’équilibre partiel permettant de comprendre les ajustements de marchés et les choix réglementaires. Cette approche permet d’anticiper ex ante les ajustements de marché, c’est-à-dire avant l’introduction effective des produits. Nous commençons par présenter les mesures obtenues pour les CAP pour les pommes évaluées en France et aux Etats-Unis.

 

Les préférences des consommateurs

 

Marette et al. (2021) comparent l’attitude des consommateurs et leur CAP pour des pommes modifiées via l’édition génomique (GE) en Europe et aux États-Unis. À partir de choix hypothétiques dans un la-boratoire et de différentes informations sur la technologie, ils mesurent les CAP de 162 Français et 166 Américains pour les nouvelles pommes, qui ne brunissent pas après avoir été tranchées. Les informations sont centrées sur (i) les avantages sociaux et privés d’avoir de nouvelles pommes, puis (ii) sur les techno-logies possibles menant à ces nouveaux avantages (hybrides conventionnelles, NTG, et génétiquement modifiées (OGM)).

Le graphique 1 permet de représenter l’hétérogénéité des CAP dans les deux pays en se focalisant sur les NTG, et en omettant les OGM par souci de simplicité. Pour mettre en évidence cette hétérogénéité, chaque CAP exprimé par un consommateur pour le nouveau produit issu des NTG (noté CAP_NTG) est normalisé par celui qu’il exprime pour le produit conventionnel (CAP_C), ce qui donne le ratio (CAP_NTG/CAP_C) x100. L’axe des abscisses représente les participants, et l’axe des ordonnées représente ce ratio k (CAP_NTG/CAP_C) x100. Les ratios des différents participants sont ordonnés de manière croissante, avec une aversion pour les nouvelles pommes par rapport aux conventionnelles pour des valeurs du ratio in-férieures à 100, et une préférence pour des valeurs du ratio supérieures à 100. Les ratios liés au message mentionnant :

  • les avantages des nouvelles pommes mais pas la technologie sous-jacente sont représentés par la courbe bleue
  • que l’innovation avait été obtenue avec une NTG sont représentés par la courbe orange.