Mathilde Degois (PSAE)
L’adaptation au changement climatique finit-elle par modifier le climat et, avec lui, le développement agricole à long terme ? Cet article étudie comment les infrastructures d’irrigation à grande échelle modifient les conditions météorologiques et la transformation agricole en Inde. À partir de cinq décennies de données administratives, climatiques et agricoles, j’exploite l’exposition exogène à l’irrigation induite par les vents dominants. L’irrigation augmente les précipitations sous le vent de 9 %. Ces conditions plus humides stimulent la production agricole, mais uniquement grâce à l’expansion des terres plutôt qu’à des gains de productivité. Les agriculteurs réagissent en investissant dans l’irrigation privée, ce qui indique que les précipitations et l’irrigation pourraient être complémentaires et non substituables, sans pour autant montrer de signes d’amélioration technologique ou de changement de culture. Il en résulte un « piège du confort » : un climat plus favorable qui soutient les petits exploitants et permet la consolidation des grandes exploitations agricoles, mais ralentit la modernisation. En montrant que l’adaptation elle-même modifie le climat et que ces changements climatiques, à leur tour, remodèlent les comportements d’adaptation, cet article révèle une boucle de rétroaction entre l’adaptation humaine et l’environnement, remettant en question les approches conventionnelles d’évaluation causale du rôle de l’adaptation dans un climat en mutation.
